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Le projet de loi C-48 arrive « à l’heure où s’amorce un tournant difficile pour l’énergie et l’environnement »

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Le projet de loi C-48 arrive « à l’heure où s’amorce un tournant difficile pour l’énergie et l’environnement »

Le projet de loi C-48 répond à la promesse du gouvernement d’officialiser une zone d’exclusion volontaire qui existe depuis 30 ans.

Un projet de loi qui vise à entériner dans la loi un moratoire de longue date sur les pétroliers le long de la côte nord canadienne du Pacifique protégerait la riche diversité écologique de cette région, incluant la forêt pluviale de Great Bear et les îles Haida Gwaii, a dit le représentant du gouvernement au Sénat Peter Harder lors d’un discours.

Le projet de loi C-48, la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, est arrivé au Sénat en mai 2018. En décembre 2018, une délégation de chefs héréditaires et de dirigeants politiques de la Colombie-Britannique est venue à Ottawa pour appuyer le projet de loi.

« Plus tard, j’espère que les gens de la côte raconteront comment leurs grands-parents sont venus à Ottawa pour faire adopter le projet de loi C-48. J’espère que les Canadiens raconteront comment les gens de leur pays ont uni leurs efforts pour sauver l’environnement en cette période difficile. Dans les deux cas, j’espère de tout cœur que nous connaîtrons un dénouement heureux », a dit le sénateur Harder lors d’un discours à l’étape de la troisième lecture au Sénat le 11 juin 2019.

Son discours complet est ci-dessous.

La rivière Skeena au nord de la Colombie-Britannique est connue pour son saumon. (Photo: Marty McKendry)

« Dans le roman L’Arbre d’or, qui lui a valu un prix du Gouverneur général, John Vaillant décrit ainsi la forêt pluviale tempérée qui règne sur la partie nord de la côte Pacifique du Canada :

Le temps doux et humide dans le long corridor qui s’étend de la côte du Pacifique à la mer a fini par créer en quelque sorte un vaste terrarium. Il s’agit du milieu idéal pour abriter les plus grandes formes de vie de la planète […] au poids, les forêts du Nord-Ouest abritent plus de tissus vivants que n’importe quel autre écosystème, y compris la jungle équatoriale.

Comme pour la plupart des formes de vie sauvages, la forêt pluviale tempérée de la côte a perdu énormément de terrain en relativement peu de temps. Jusqu’à il y a environ 1 000 ans, on trouvait des forêts pluviales tempérées sur tous les continents, sauf en Afrique et en Antarctique. À une certaine époque, les luxuriantes forêts côtières du Japon et les nôtres se faisaient pendants d’un côté du Pacifique à l’autre […]

Les Highlands d’Écosse, qui semblent depuis toujours associées aux marécages et aux vastes terres où rien ne pousse sauf la bruyère, ont déjà eu leur propre forêt pluviale tempérée, tout comme l’Irlande, l’Islande et la rive est de la mer Noire. Même si on trouve encore quelques vestiges de la forêt pluviale qui occupait jadis la côte norvégienne de la mer du Nord, il n’y a qu’au Chili, en Tasmanie et sur l’île du Sud de la Nouvelle-Zélande qu’on trouve des forêts dont la flore, l’atmosphère et les caractéristiques ressemblent un tant soit peu à celles du Nord-Ouest de l’Amérique du Nord, où se trouve désormais la plus vaste forêt pluviale de la planète.

[…] des ours nourris par les océans — certains d’entre eux aussi immaculés que la tête d’un pygargue à tête blanche — nagent d’une île à l’autre, chevauchant les grandes marées, leurs empreintes se superposant à celles du cerf, de la loutre, de la martre et du loup.

Ici, le spectateur patient constatera que les arbres sont nourris par le saumon, que les aigles peuvent nager et que les épaulards se hissent sur les bas-fonds en gravier pour le regarder droit dans les yeux.

Les peuples autochtones de la côte nord-ouest passent la majeure partie de leur vie à une centaine de mètres de cette frontière achalandée entre deux mondes. Comme ils vivent dans un milieu à ce point liminal, il n’est pas surprenant que leurs œuvres d’art, leurs danses et leurs récits soient très axés sur la convergence et la transformation. Aucune région côtière ne représente plus majestueusement l’interdépendance entre la forêt, la mer et les milieux de vie partagés que les îles de la Reine-Charlotte.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi d’initiative ministérielle C-48, Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers ou Loi concernant la réglementation des bâtiments transportant du pétrole brut ou des hydrocarbures persistants à destination ou en provenance des ports ou des installations maritimes situés le long de la côte nord de la Colombie-Britannique.

Comme vous le savez, cette mesure législative officialiserait le moratoire relatif aux pétroliers qui s’applique depuis longtemps le long de la côte nord du Pacifique, au Canada.

La principale politique environnementale mise en œuvre par le gouvernement actuel correspond à un engagement pris pendant la campagne électorale qui a l’appui au fédéral de quatre partis, du gouvernement de la Colombie-Britannique et des gouvernements régionaux de la Ville de Prince Rupert, du Village de Queen Charlotte, du district de Kitimat, de la Ville de Terrace et de la Ville de Smithers ainsi que du district régional de Skeena-Queen Charlotte.

Qui plus est, le projet de loi C-48 a l’appui de la majorité des peuples des Premières Nations qui détiennent un titre protégé par l’article 35 de la Constitution sur les territoires côtiers du nord et du centre qui pourraient être dévastés advenant un déversement, ainsi que les droits constitutionnels aux pêches dans la région.

J’aimerais d’abord remercier la sénatrice Mobina Jaffer de son excellent travail et de son dévouement en tant que marraine de ce projet de loi.

Quand les dirigeants des Premières Nations côtières sont venus au Sénat, en décembre, pour demander le soutien des sénateurs, plusieurs d’entre eux ont mené une prière de guérison pour la sénatrice Jaffer. Nous répétons cette prière dans nos cœurs ce soir.

Compte tenu du cheminement législatif du projet de loi C-48 jusqu’ici, à cette étape de la troisième lecture, j’aimerais décrire en détail le processus démocratique qui a mené à ce projet de loi d’initiative ministérielle, ainsi que la justification stratégique qui le sous-tend.

Contrairement à ce que disait le sénateur Baker, je le regrette vivement, mais je ne serai pas bref, pas plus qu’il ne l’a été.

Plus précisément, j’aimerais entretenir les sénateurs et les Canadiens de divers sujets, notamment le mandat démocratique qu’a le gouvernement du Canada pour le projet de loi C-48, l’historique de la zone d’exclusion volontaire pour tous les pétroliers, le pouvoir constitutionnel fédéral sur les ports maritimes, les facteurs de risque pour la côte nord du Pacifique liés à la circulation maritime et à d’éventuels déversements, l’écologie des milieux maritimes et terrestres imbriqués les uns dans les autres, y compris la forêt pluviale de Great Bear, les économies régionales durables du centre et du nord de la Colombie-Britannique et en particulier les pêches et le tourisme, et l’appui majoritaire dont jouit le projet de loi C-48 auprès des Premières Nations qui vivent sur cette côte, la nature de leurs droits constitutionnels aux territoires et aux pêches, les effets environnementaux et économiques que pourrait avoir un déversement de pétrole lourd et, plus globalement, le plan du gouvernement du Canada en matière d’énergie et d’environnement.

Globalement, le gouvernement a un plan équilibré et complet en matière d’énergie et d’environnement, conçu pour montrer les économies régionales et nationales du Canada, y compris les nombreux nouveaux pipelines de pétrole et de gaz. Toutefois, alors que ces combustibles fossiles plus propres sont acheminés vers les marchés et remplacent le charbon en Asie, le gouvernement investit beaucoup dans les énergies renouvelables afin d’appuyer la transition mondiale vers laquelle nous nous dirigeons pour atténuer les effets des changements climatiques.

Pour répondre à cette menace catastrophique pour l’environnement et l’humanité, le gouvernement met un prix sur le carbone afin de modifier les comportements en les rendant moins dommageables pour le monde naturel. C’est urgent.

Dans un contexte plus large, le projet de loi C-48 représente un important compromis au sein de la fédération, à l’heure où s’amorce un tournant difficile pour l’énergie et l’environnement au Canada et dans le monde.

Pendant notre examen du projet de loi C-48, nous devrions tenir compte de l’histoire démocratique de la politique qui consiste à interdire la circulation de pétroliers transportant du pétrole lourd sur la côte nord de la Colombie-Britannique. Avant et pendant la campagne électorale de 2015, le premier ministre Trudeau, alors simple chef de parti, s’est engagé auprès des Canadiens et surtout des habitants de la Colombie-Britannique à donner force de loi au moratoire sur la circulation des pétroliers si le Parti libéral était élu.

Le 29 juin 2015, M. Trudeau a présenté la plateforme environnementale des libéraux pendant une conférence de presse tenue à Vancouver. Il a promis publiquement aux Canadiens qu’un gouvernement libéral participerait à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Paris avec les premiers ministres, qu’il instaurerait une tarification du carbone, qu’il augmenterait la superficie des zones de protection marine, qu’il trouverait un juste équilibre pour les processus d’évaluation environnementale des nouveaux projets d’exploitation des ressources, et qu’il officialiserait le moratoire sur la circulation des pétroliers de brut sur la côte nord de la Colombie-Britannique.

Ces annonces ont été publiées dans les médias nationaux et elles ont suscité un débat public au moment où les Canadiens, y compris les Britanno-Colombiens, choisissaient pour qui ils allaient voter quelques semaines plus tard.

Le 20 septembre 2015, à Vancouver, au milieu de la campagne électorale, M. Trudeau s’est une fois de plus engagé, comme l’a annoncé par écrit le Parti libéral du Canada, à :

[O]fficialise[r] le moratoire sur la circulation des transporteurs de pétrole brut le long de la côte nord de la Colombie-Britannique, y compris dans l’entrée Dixon, dans le détroit d’Hecate et dans le bassin de la Reine-Charlotte, pour prémunir les zones écosensibles et les économies locales des effets possiblement dévastateurs d’un déversement de pétrole.

De plus, l’annonce de M. Trudeau comprenait le Plan de protection des océans du gouvernement, y compris les politiques prévues dans le projet de loi C-55, qui visent à atteindre les cibles internationales en matière de protection marine, et dans le projet de loi C-68, qui concernent le rétablissement de la protection des stocks de poisson et de l’habitat du poisson.

Comme les sénateurs le savent, l’un de ces projets de loi est désormais une loi. L’autre a été adopté au Sénat avec des amendements la semaine dernière.

En ce qui concerne le projet de loi C-48, lorsque le Parti libéral du Canada a remporté les élections fédérales et a formé le gouvernement, la lettre de mandat destinée à l’honorable Marc Garneau, le ministre des Transports, reflétait l’engagement du premier ministre à officialiser le moratoire du Pacifique-Nord.

En novembre 2016, le premier ministre Trudeau a annoncé aux Canadiens qu’on allait présenter prochainement une mesure législative pour officialiser le moratoire, et, en mai 2017, le ministre Garneau a présenté le projet de loi C-48 à la Chambre des communes.

Le projet de loi C-48 a par la suite été adopté à la Chambre des communes en mai de l’année dernière, par un vote de 204 voix contre 85. Le caucus libéral, le Nouveau Parti démocratique, le Parti vert et le Groupe parlementaire québécois ont appuyé le projet de loi à l’autre endroit. Ces votes provenaient des députés élus de formations représentant 67,4 p. 100 du vote populaire lors des dernières élections fédérales.

Autre élément qui renforce le caractère démocratique du projet de loi C-48 : en 2015, le NPD et le Parti vert ont promis d’officialiser l’interdiction des pétroliers, ce qui signifie que 62,7 p. 100 des Canadiens ont voté pour un parti qui a promis d’appliquer la politique contenue dans le projet de loi qui nous occupe.

À Prince Rupert, en Colombie-Britannique, le 21 juin dernier, alors que le Sénat amorçait le débat sur le projet de loi C-48, le premier ministre Trudeau a réitéré son engagement envers les Premières Nations des côtes centrale et nord de la Colombie-Britannique. Le premier ministre a dit aux dirigeants et aux collectivités que, pour respecter sa promesse électorale, le gouvernement allait protéger la côte nord du Pacifique, notamment en faisant adopter la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers.

À l’occasion de la Journée nationale des peuples autochtones, le premier ministre a également annoncé conjointement avec des dirigeants des Premières Nations qu’un accord historique pour protéger les océans avait été conclu avec 14 Premières Nations des côtes centrale et nord du Pacifique.

Le premier ministre ne prend rien de plus au sérieux que la réconciliation et il a promis de protéger la forêt pluviale de Great Bear pour les futures générations. Comme le ministre Garneau l’a indiqué plusieurs fois, et je le répète aujourd’hui, le gouvernement prendra en considération et acceptera peut-être les amendements du Sénat au projet de loi C-48 qui sont conformes aux principes du projet de loi. Toutefois, le gouvernement doit aux Canadiens de réaliser le mandat qui lui a été confié démocratiquement, dont fait partie ce projet de loi.

En examinant la Loi sur le moratoire relatif aux pétroliers, il est important de rappeler que le projet de loi C-48 officialise et complète une politique canadienne de longue date visant à protéger la partie nord de la côte du Pacifique des principaux risques de déversement de pétrole. Il est utile de revoir l’historique de cette politique.

Comme Gavin Smith, avocat pour la West Coast Environmental Law, l’a expliqué au comité, le débat entourant le transport de pétrole lourd le long de la partie nord de la côte du Pacifique a commencé à la fin des années 1960 avec l’avancement du réseau pipelinier Trans-Alaska. Les trajets potentiels des pétroliers sont devenus un enjeu d’intérêt provincial et national majeur.

En 1970, un comité spécial de la Chambre des communes s’est penché sur la question. En 1971, le comité a recommandé que le Canada s’oppose au transport de pétrole brut dans la région en raison des risques pour l’environnement. De plus, en 1971, l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique a adopté à l’unanimité une motion contre le transport de pétrole brut le long de la partie nord de la côte.

En 1972, après la construction de l’oléoduc Trans-Alaska, la Chambre des communes a adopté à l’unanimité une motion disant que la circulation des pétroliers transportant du pétrole brut le long de la côte allait à l’encontre des intérêts du Canada. La Chambre des communes a exhorté le gouvernement à soulever la question auprès des États-Unis. Le Canada voulait faire en sorte que les pétroliers circulent à une distance suffisante de la côte Ouest, afin de prévenir un déversement d’hydrocarbures majeur si un navire devait partir à la dérive, même si un tel trajet devait prendre plus de temps et de carburant.

En 1977, des pétroliers ont commencé à circuler au large de la côte Ouest, de Valdez, en Alaska, jusqu’aux raffineries de l’État de Washington. Comme des fonctionnaires fédéraux l’ont souligné, selon le parcours établi à l’époque, au terme de pourparlers entre les États-Unis et le Canada, les pétroliers devaient circuler à plus de 150 kilomètres à l’ouest des îles Haida Gwaii.

À la fin des années 1970, un projet de port pétrolier national à Kitimat a poussé le gouvernement fédéral à lancer une commission d’enquête sur la présence de pétroliers au large de la côte nord-ouest. Le rapport de 1978 dit ceci :

 

Si un port pétrolier est établi à Kitimat, il y aura inévitablement des déversements de pétrole sur la côte adjacente de la Colombie-Britannique.

Le commissaire a ajouté ceci :

Malgré le fait que je connaisse bien cet historique d’opposition résolue au trafic des pétroliers, j’ai été surpris de la trouver si universelle.

À la suite de ce rapport, le gouvernement fédéral a rejeté la proposition de Kitimat, soulignant le caractère inadéquat de l’endroit. Du côté américain, les trajets plus longs entre l’Alaska et l’État de Washington pour les pétroliers ne plaisaient pas aux expéditeurs américains en raison des coûts supplémentaires et ils ont été abandonnés par la Garde côtière américaine en 1982.

Cependant, afin d’assurer la sécurité des côtes du pays, le Canada, par l’entremise de la Garde côtière canadienne, a entrepris des négociations avec le gouvernement des États-Unis. En 1985, sous le règne du premier ministre Brian Mulroney, les pourparlers ont mené à la création de la zone d’exclusion volontaire des pétroliers.

En 1988, la Garde côtière canadienne et celle des États-Unis ont ensuite officialisé l’entente lorsque le président Ronald Reagan était en poste. En 1989, le déversement causé par l’Exxon Valdez en Alaska est venu mettre en relief l’importance du moratoire, et ce désastre pétrolier touchant 2 100 kilomètres de littoral et 28 000 kilomètres carrés de l’océan a rappelé au monde que des accidents peuvent toujours survenir.

Pendant 34 ans, la zone d’exclusion volontaire s’est étendue à environ 100 kilomètres à l’ouest des îles Haida Gwaii, de l’Alaska à la côte sud-ouest de l’île de Vancouver. L’étendue de la zone d’exclusion a été déterminée en fonction de l’étude canadienne concernant le pire scénario possible impliquant un pétrolier à la dérive comparativement au temps qu’il faudrait pour que des remorqueurs assez puissants se rendent lui porter secours pour éviter un déversement sur la côte.

L’effet durable de la zone d’exclusion est que les pétroliers qui desservent le pipeline Trans-Alaska et font la navette entre Valdez, en Alaska, et Puget Sound, dans l’État de Washington, passent à l’ouest de la zone d’exclusion.

Les sénateurs trouveront peut-être intéressante la description de cette politique et de cette tranche de l’histoire publiée dans le Globe and Mail et rédigée par l’ancien député libéral et ministre des Transports, puis ministre des Pêches et des Océans et enfin, ministre de l’Environnement, l’honorable David Anderson. M. Anderson a participé à l’élaboration de cette politique dans les années 1970 et à l’application de cette zone d’exclusion dans les années 1990. Décrivant les conditions à l’époque de l’imposition du moratoire, M. Anderson dit :

Ces années-là, on avait l’impression que la succession d’échouements, de collisions et d’explosions de pétroliers dans le monde ne s’arrêterait jamais. L’objectif du gouvernement canadien était de maintenir les pétroliers transportant le pétrole brut de l’Alaska plus loin au large, ce qui nous donnerait plus de temps pour intervenir en cas d’accident et réduirait les répercussions sur la côte Ouest et sur les pêches en cas de déversement. Le Canada aurait eu peu de crédibilité en formulant une telle demande aux Américains si nos propres politiques n’avaient pas suivi les mêmes exigences d’itinéraire.

Chers sénateurs, ce dernier point est très important. Si les Canadiens ne respectent pas la zone d’exclusion volontaire, il est peu probable que les Américains la respectent. Si l’on aménageait un pipeline tel que le défunt projet Northern Gateway jusqu’à la côte nord, cela créerait un nouveau trajet emprunté par les pétroliers avec les risques que cela comporte, mais surtout, les pétroliers américains qui circulent déjà risqueraient de ne plus maintenir une distance sécuritaire de la côte afin, bien sûr, de gagner du temps et de réaliser des économies.

Au Comité des transports, M. Garneau a dit :

Si nous devions commencer à transporter du pétrole à partir de la côte, cela pourrait avoir pour effet d’encourager le non-respect de la zone d’exclusion. Après tout, si nous empruntons ces mêmes voies maritimes pour transporter du pétrole malgré les risques, pourquoi d’autres pays ne pourraient-ils pas en faire de même? En conséquence, le projet de loi C-48 devrait être vu comme une mesure importante qui contribuera à la protection du Canada en faisant complément à la zone d’exclusion des pétroliers.

Ce point est extrêmement important en raison des débats que nous avons eus au Sénat à l’étape de la deuxième lecture. Vous vous souviendrez que le 28 novembre dernier, le sénateur Wells a dit au Sénat, au nom de son parti, qu’il appuyait la mise à terme du moratoire Reagan-Mulroney. À mon avis, comme les conservateurs préconisent maintenant l’élimination de la zone d’exclusion, c’est une raison de plus pour que le pays aille de l’avant avec le projet de loi C-48.

Comme l’a indiqué le ministre Garneau, le projet de loi C-48 complémente la zone d’exclusion pour interdire et arrêter formellement le chargement et le déchargement de pétrole brut ou des hydrocarbures persistants des pétroliers de la pointe nord de l’île de Vancouver jusqu’à l’Alaska.

Le projet de loi prévoit, pour le réapprovisionnement, une exception pour les pétroliers transportant moins de 12 500 tonnes métriques de pétrole lourd. Pour donner un ordre de grandeur, les plus gros pétroliers qui viennent dans les ports canadiens peuvent transporter 20 fois cette quantité.

À titre de comparaison encore une fois, l’Exxon Valdez avait déversé environ 37 000 tonnes métriques de pétrole dans l’océan, soit sept fois moins que la quantité que peuvent transporter les superpétroliers d’aujourd’hui.

Le projet de loi C-48 renforce ce moratoire au moyen d’amendes pouvant aller jusqu’à 5 millions de dollars.

Le gouvernement aimerait souligner la contribution à ce dossier du député de Skeena-Bulkley Valley, Nathan Cullen, qui part à la retraite. En 2016, M. Cullen a présenté le projet de loi C-328, Loi sur la protection de la côte Nord de la Colombie-Britannique. Cette mesure législative renfermait des innovations en matière de politique qui ont contribué au projet de loi C-48. Au nom du gouvernement, je félicite M. Cullen de son témoignage au Sénat à Prince Rupert à l’appui de ce projet de loi et de son travail ici, à Ottawa.

Le projet de loi C-48 fera en sorte que la loi permettra de garder les pétroliers à distance de la côte nord-ouest en éliminant les raisons économiques de se rapprocher du rivage. Il officialise ainsi la zone d’exclusion des pétroliers dans la loi canadienne et la complète. C’est ce que le gouvernement avait promis aux Canadiens et c’est l’objet du projet de loi C-48.

Cette politique relève clairement de la compétence fédérale. Conformément au droit international, le Canada a le pouvoir, en tant que nation souveraine, d’adopter des lois sur l’accès à ses ports. Cette conclusion est appuyée par le témoignage de Ted McDorman, un professeur de droit de la faculté de droit de l’Université de Victoria qui a comparu devant le Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités en mai 2018 et qui a dit : « Du point de vue du droit international, cela relève entièrement de la compétence du Canada, sans que d’autres pays puissent déposer une plainte. »

Vanessa Rochester, l’avocate-conseil du cabinet d’avocats Norton Rose Fulbright, a ajouté ceci :

Le projet de loi C-48 interdit aux pétroliers transportant un certain volume de cargaison de charger ou de décharger cette cargaison ou de mouiller dans les ports et les installations maritimes dans les zones définies. On parle ici des eaux intérieures du Canada, ce qui est différent de la zone couverte par la [zone d’exclusion volontaire des pétroliers].

De plus, contrairement aux affirmations faites par certains sénateurs à l’étape de la deuxième lecture, l’officialisation du moratoire de 1985 ne créera pas l’unique interdiction ou moratoire sur les pétroliers dans le monde. D’ailleurs, ce n’est pas la première fois que le Canada interdit la circulation de pétroliers. En 1982, le gouvernement fédéral a adopté un règlement interdisant la circulation de pétroliers chargés dans le passage de Head Harbour, au Nouveau-Brunswick, en réponse à un projet de construction d’une raffinerie de pétrole du côté américain.

Aux États-Unis, la loi interdit depuis 1990 les pétroliers dans une région qui couvre plus de 5 000 kilomètres carrés dans l’archipel des Keys, en Floride. Depuis 1977, la loi américaine limite la circulation des pétroliers de brut dans la région de Puget Sound, dans l’État de Washington.

En Australie, le Parlement du Queensland a récemment adopté une loi visant à interdire la circulation des navires transportant du charbon sur une grande partie de la Grande barrière de corail.

Le Canada n’est pas le seul pays à s’efforcer de protéger les écosystèmes marins fragiles contre les déversements majeurs, mais le projet de loi C-48 renforcera la position du Canada en tant que chef de file mondial en la matière.

Honorables sénateurs, je vais maintenant parler des risques pour la sécurité maritime que provoquerait le transport de pétrole lourd au large de la côte nord.

Outre ces dangers pour la navigation, le risque de catastrophe est exacerbé par des facteurs géographiques qui rendraient la prévention des déversements et l’intervention beaucoup plus difficiles que dans les eaux de l’Atlantique ou plus au sud en Colombie-Britannique, où le projet TMX fera augmenter la circulation de pétroliers.

Le plan d’eau situé entre la côte nord et la côte centrale de Haida Gwaii s’appelle le détroit d’Hecate. Ce plan d’eau se confond avec l’entrée Dixon, au nord, en direction de l’océan Pacifique. Environnement Canada classe ce détroit au quatrième rang des plans d’eau les plus dangereux au monde pour la navigation. Il en est ainsi surtout à cause de la vitesse à laquelle le vent et la mer peuvent se déchaîner.

Comme le comité l’a entendu, dans le détroit d’Hécate et l’entrée Dixon, il n’est pas rare qu’il y ait des vents soutenus de 100 kilomètres à l’heure avec des vagues de 8 à 10 mètres de hauteur. Étant donné que le détroit est peu profond, sa topographie produit de hautes vagues qui frappent à un intervalle rapproché d’une grande puissance. Les violentes conditions météorologiques qui prévalent dans ces eaux peuvent mettre à rude épreuve et endommager les grands navires, particulièrement les pétroliers, même avec la technologie de la double coque.

Comme le comité l’a entendu, l’intégrité des pétroliers à double coque dépend de milliers de joints soudés. Ces soudures sont mises à rude épreuve à cause de la force des hautes vagues à court intervalle qui caractérisent le détroit d’Hécate et qui constituent un risque élevé de causer un accident dans ces eaux.

De plus, les accidents survenus dans le monde confirment que les pétroliers à double coque présentent encore des risques de causer des déversements majeurs de pétrole. En 2010, le pétrolier à double coque Bunga Kelana 3 a déversé 2,9 millions de litres de pétrole brut dans les eaux au large de Singapour à la suite d’une collision.

La même année, le pétrolier à double coque Eagle Otome a déversé 1,7 million de litres de pétrole brut à Port Arthur, au Texas. En 1992, le pétrolier à double coque Aegean Sea s’est échoué et a déversé 76 millions de litres de pétrole brut au large des côtes de l’Espagne septentrionale.

Le Comité des transports a entendu le témoignage de M. Stanley Rice, biologiste à la retraite qui travaillait pour la National Oceanography and Atmospheric Administration des États-Unis. M. Rice a donné des renseignements sur le désastre de l’Exxon Valdez dans le golfe du Prince William et le déversement de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique et il a conseillé le gouvernement.

  1. Rice a témoigné en tant que scientifique et n’a pas pris position au sujet du projet de loi C-48.

Au sujet de l’Exxon Valdez, M. Rice a confirmé qu’une double coque n’aurait pas permis d’éviter le déversement. Il a également souligné qu’il est possible d’atténuer les risques de déversement, mais que, lorsqu’il s’agit de pétrole, il subsiste toujours un risque.

Comme il l’a dit, « [i]l y a certainement des risques, et je fais toujours la comparaison avec la loterie. Les chances qu’une personne gagne à la loterie sont minimes; et pourtant quelqu’un gagne à la loterie chaque mois, ou chaque année […] »

Honorables sénateurs, lorsqu’il est question de pétrole, on ne peut jamais écarter le risque d’erreurs humaines ou d’erreurs mécaniques. Toutefois, en établissant des limites pour le réapprovisionnement, le projet de loi C-48 réduit au minimum le risque d’un déversement catastrophique le long de la côte nord en réduisant au minimum la quantité de pétrole lourd transportée en mer.

Comme je l’ai dit à l’étape de la deuxième lecture, le risque et la probabilité sont deux concepts distincts. Le risque est la probabilité multipliée par la conséquence. Dans le cas d’un important déversement de pétrole, les conséquences seraient graves, durables et pourraient nuire de façon permanente aux économies écologiques et durables uniques des cultures des Premières Nations.

Comme de nombreux témoins de la côte nord l’ont dit au Comité des transports, même si le risque qu’un accident se produise est faible, le risque est tout simplement trop grand.

Fait intéressant, le comité a appris qu’on a tenté de calculer la probabilité d’un déversement dans la région. Lors d’une audience du comité à Terrace, David Shannon, un ingénieur à la retraite de l’organisme Douglas Channel Watch, a parlé de la méthode d’Enbridge pour calculer le risque de déversement de pétrole.

Ce calcul est fondé sur la circulation de pétrolier qu’aurait généré le projet Northern Gateway. D’après M. Shannon, le calcul montre que la probabilité d’un déversement de 5 millions de litres au cours des 40 premières années est de 11 p. 100.

Pour les habitants de la région, une probabilité de 11 p. 100 est trop élevée lorsqu’il s’agit d’un événement dont les conséquences sur le plan existentiel, écologique, économique et culturel détruiraient essentiellement la région pour un avenir prévisible.

Autre facteur que les sénateurs pourraient considérer : la région côtière dont il est question est vaste, éloignée et peu peuplée. Ces conditions rendent encore plus difficiles la prévention d’un déversement, ainsi que l’intervention et le nettoyage en cas de déversement, comparativement aux zones côtières industrialisées de l’Atlantique et à la côte sud de la Colombie-Britannique, en particulier parce que celle-ci est située près de l’État de Washington.

Dans la circonscription de Skeena-Bulkley Valley, la plupart des régions touchées par le projet de loi C-48 affichent une densité de population de 0,3 personne au mile carré, comparativement à 9,5 personnes au mile carré sur l’île de Vancouver ou à 354 personnes au mile carré dans la ville de Vancouver.

Comme il n’existe pas d’infrastructure d’intervention dans cette zone sauvage, un déversement aurait des conséquences environnementales beaucoup plus graves que s’il se produisait dans un autre cours d’eau canadien.

Par ailleurs, le comité a appris que la technologie la plus efficace pour le nettoyage des déversements de pétrole permet actuellement de récupérer seulement de 10 à 15 p. 100 du pétrole déversé dans un milieu marin. Signalons aussi que le nettoyage est surtout efficace en eau calme et qu’il est inefficace dans les eaux houleuses.

Certes, un déversement de pétrole est une catastrophe environnementale où qu’il se produise, et toutes les côtes du Canada abritent des espèces et des écosystèmes importants, y compris les côtes arctique et atlantique. D’un point de vue scientifique, la partie nord de la côte Pacifique constitue toutefois un écosystème exceptionnel, qui revêt une importance particulière pour la biosphère mondiale.

Les mers du nord du Pacifique sont les plus productives de la planète sur le plan biologique. Le plateau continental en haute mer et les tempêtes violentes soulèvent les nutriments des profondeurs, où les jours d’été plus longs produisent des forêts de laminaires géantes de 50 mètres de haut, une manne annuelle de vie marine pour nourrir les espèces migratrices.

Comme il a été indiqué à l’étape de la deuxième lecture, il s’agit ici de faits scientifiques, et non pas de simples opinions. La région côtière de la Colombie-Britannique renferme la biodiversité la plus riche au Canada et la plus unique en Amérique du Nord. Environ 44 des 62 sous-espèces de vertébrés de la région côtière de la Colombie-Britannique et d’importantes populations d’espèces endémiques à cette région peuplent les îles côtières. Les deux tiers des espèces et sous-espèces de mammifères de la Colombie-Britannique vivent uniquement près des côtes. Toutes les sous-espèces d’oiseaux qui ne se reproduisent qu’en Colombie-Britannique le font exclusivement sur la côte. De plus, ces habitats abritent plus de 200 espèces d’oiseaux côtiers, et plus de 5 millions d’oiseaux de mer se reproduisent sur la côte de la province, dont 1,5 million sur le seul archipel Haida Gwaii. La côte nord du Pacifique abrite d’ailleurs 95 p. 100 de la population reproductrice totale d’oiseaux de mer de la Colombie-Britannique.

Plus de 400 espèces de poissons de mer et 5 espèces de tortues de mer vivent dans les eaux côtières. La région abrite trois des cinq grandes populations de harengs de la province, 88 p. 100 des rivières où fraye l’eulakane dans la province, et 58 p. 100 des habitats où fraye le saumon de la côte Ouest au pays.

La côte du Pacifique fournit un habitat capital à une faune très rare et vulnérable, puisqu’elle abrite 39 espèces considérées comme menacées, en voie de disparition ou préoccupantes par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Plus de 25 espèces de mammifères marins vivent au large de la côte, dont des cétacés, des loutres de mer, des phoques et des lions de mer. Sur les 22 populations de baleines, de dauphins et de marsouins que l’on trouve dans la région, trois figurent dans la liste des espèces en voie de disparition, quatre, dans la liste des espèces menacées et trois, dans la liste des espèces préoccupantes de la Loi sur les espèces en péril.

Au cours des dernières années, les Canadiens se sont dits gravement préoccupés par le sort de la baleine noire de l’Atlantique Nord. Cette espèce compte maintenant 417 individus et risque l’extinction dans un proche avenir. Toutefois, les sénateurs seront peut-être surpris d’apprendre que cette espèce est florissante par comparaison à la baleine noire du Pacifique Nord, dont la population dépassait probablement 20 000 avant la pêche commerciale, mais qui ne compte plus que quelques centaines d’individus. La population qui vit à l’est, au large de l’Alaska et de la Colombie-Britannique, compterait moins de 40 animaux. Selon l’aquarium de Vancouver, seulement deux baleines noires du Pacifique Nord ont été aperçues dans les eaux canadiennes au cours des 60 dernières années.

Honorables sénateurs, comme vous pouvez le constater, mes observations sont longues, alors je vais vous épargner les faits concernant les systèmes aquatiques terrestres de la côte nord. Toutefois, je mentionne brièvement que la région côtière du Nord de la Colombie-Britannique comprend la forêt pluviale de Great Bear, communément appelée l’Amazonie du Canada. Les énormes cèdres rouges, les sapins de Douglas et les épinettes de Sitka dépendent des rivières à saumons pour que les ours, les aigles et les autres prédateurs dispersent des nutriments dans la forêt. À son tour, le saumon dépend de la pureté des eaux marines ainsi que des rivières d’eau douce et des ruisseaux pour frayer.

La forêt pluviale de Great Bear est l’une des plus importantes forêts pluviales côtières tempérées au monde qui soient encore intactes. Elle représente le quart de la superficie toujours existante de cet habitat dans le monde, réparti en seulement 11 régions sur la planète.

Pour conclure mes observations en matière d’écologie, je dirai simplement que le Canada est l’intendant de l’un des derniers grands écosystèmes naturels du monde. Comme tous les écosystèmes, la forêt pluviale tempérée est mise à rude épreuve en raison de l’activité humaine, en particulier des changements climatiques. Le projet de loi C-48 procurera à l’un des derniers bastions écologiques du monde une meilleure chance de résister et de survivre à la catastrophe qui, nous le savons, s’en vient et que nous causons collectivement.

Nous devons également voir un environnement sain comme un atout économique. Dans notre examen des intérêts économiques nationaux et régionaux, nous devons davantage tenir compte du fait que les économies viables du Nord de la Colombie-Britannique dépendent d’écosystèmes vierges et florissants et qu’elles seraient détruites pendant longtemps, voire de manière permanente, advenant un déversement de pétrole.

D’abord et avant tout, il y a les pêches commerciales et autochtones. L’industrie de la pêche sur la côte nord a une valeur annuelle de 400 millions de dollars. Les pêcheurs, les collectivités et les usines de transformation des poissons y ont investi 2 milliards de dollars. Il s’agit d’une industrie canadienne importante et coûteuse qui aurait beaucoup à perdre en cas de déversement de pétrole.

À Prince Rupert, le comité a entendu le témoignage de Joy Thorkelson, présidente du Syndicat des pêcheurs et travailleurs assimilés. Comme Mme Thorkelson l’a dit au comité, un déversement de pétrole aurait des effets dévastateurs sur les populations de poissons, comme la catastrophe de l’Exxon Valdez en a eus sur le cisco arctique. En outre, Mme Thorkelson a expliqué qu’un seul déversement majeur nuirait à toute l’industrie de la pêche sur la côte nord.

Le comité a appris que presque toutes les aires marines sur la côte ont des habitats précieux qui assurent la viabilité des pêches. Mme Thorkelson a communiqué un message de la part des membres de la section atlantique du syndicat, qui disent craindre un déversement sur la côte Est; elle a aussi signalé que l’action des vagues sur la côte du Pacifique pose un plus grand risque pour les rives et les rivières que celle sur la côte atlantique.

En plus d’endommager l’industrie de la pêche et de l’aquaculture, un déversement de pétrole causerait d’énormes dommages au secteur touristique de la Colombie-Britannique. À Terrace, le comité a entendu le témoignage de Kevin Smith, qui est propriétaire de Maple Leaf Adventures, président de la Wilderness Tourism Association of British Columbia et vice-président de la Commercial Bear Viewing Association. M. Smith a indiqué que le tourisme est une industrie de 18 milliards de dollars en Colombie-Britannique qui a connu une croissance plus importante que celle de l’économie en général au cours des dernières années. Le secteur du tourisme en milieu sauvage a augmenté de 8 p. 100 au cours de la dernière décennie. M. Smith a dit ceci :

Selon les projections que vous utilisez, le tourisme en milieu sauvage en Colombie-Britannique rapportera entre 600 milliards et 5,6 billions de dollars au cours des 50 prochaines années, dont la moitié sur la côte.

De plus, M. Smith a informé le comité que, à la suite du déversement de la plateforme Deepwater Horizon en 2010, le chiffre d’affaires de l’industrie de l’affrètement de navires dans le sud du Mississippi a chuté en moyenne de 70 p. 100. Nous sommes avertis.

Comme je l’ai dit dans cette enceinte à l’étape de la deuxième lecture, en présence de dirigeants élus et héréditaires des Premières Nations côtières, la vaste majorité des Premières Nations de la côte nord-ouest du Pacifique appuient fermement le projet de loi C-48. Les dirigeants de ces nations sont, bien sûr, les mieux placés pour défendre leurs intérêts. Ici à Ottawa, le comité a entendu le témoignage de la chef Marilyn Slett, présidente de neuf Premières Nations côtières alliées. La chef Slett a parlé au comité des effets dévastateurs que le déversement de diesel de 2016 a eus sur les Heiltsuks de Bella Bella. Or, les effets de ce déversement sont mineurs par rapport à ceux qu’aurait l’échouage d’un superpétrolier. Comme l’a dit la chef Slett :

Les Heiltsuk ont personnellement vécu les conséquences traumatiques d’un déversement d’hydrocarbures en mer. En octobre 2016, le Nathan E. Stewart et sa barge se sont échoués et ont coulé dans le territoire des Heiltsuk. Plus de 110 000 litres de polluants ont été déversés dans l’océan. […] Parmi les conséquences dévastatrices de ce déversement, il y a eu des effets sur l’exploitation traditionnelle des ressources, l’exploitation commerciale des coquillages des Heiltsuk et la culture des Heiltsuk, sans oublier les effets des mesures d’intervention et la communauté qui a été mise à rude épreuve.

Le Comité des transports a aussi entendu le témoignage de Jason Alsop, président du Conseil de la nation haïda. Tandis que nous examinons le projet de loi C-48 dans le contexte de l’histoire canadienne, les sénateurs pourraient vouloir tenir compte des paroles suivantes de M. Alsop :

Je suppose que pour comprendre notre point de vue, il faut comprendre la signification de ce génocide culturel, alors qu’une population [qui dépassait 100 000 habitants] a été d’abord décimée par l’introduction de maladies comme la variole, jusqu’à ce qu’elle soit réduite à quelques centaines de personnes. C’est un triomphe pour nos nations et notre peuple d’avoir réussi à rebâtir, à maintenir leur culture et à persévérer, malgré les politiques fédérales […]

Je ne sais pas si vous pouvez apprécier ce que cela signiferait pour nous si la menace immédiate d’un nouveau trafic était éliminée afin que nous puissions continuer à construire des économies durables sur la côte […]

À Prince Rupert, le chef haida, Guujaaw, a évoqué ainsi les décennies de lutte qui ont mené au projet de loi C-48 :

Nous avons commencé à nous battre, essentiellement à une époque où aucun d’entre nous, il y a à peine une génération, n’avait d’influence sur ce qui se passait. Tout s’effondrait, nous en étions tous témoins.

Nous avons réussi à nous défendre et, au fil des ans, à protéger beaucoup de terres. Nous avons protégé une grande partie de l’océan, nous avons mis fin à beaucoup de surexploitation, au prix d’un grand sacrifice pour nous. Au fil du temps, nous avons établi dans le droit canadien que le titre ancestral existe toujours.

Sénateurs, je pourrais encore citer d’autres témoignages. Celui de Matthew Hill me vient à l’esprit. Je me contenterai plutôt de dire que, bien qu’une grande majorité des gens de la région appuient le projet de loi C-48, la communauté de Lax Kw’alaams est divisée : les dirigeants héréditaires l’appuient, mais le maire s’y oppose.

Le maire John Helin et son frère Calvin sont respectivement vice-président et président d’un nouveau projet de pipeline appelé Eagle Spirit, pour lequel ils proposent d’installer des terminaux à Grassy Point, au nord de Prince Rupert. La communauté de Lax Kw’alaams tiendra des élections cet automne. Je peux déjà vous dire que le projet de loi C-48 fait l’objet de débats vigoureux et que les gens en tiendront sûrement compte quand ils voteront.

Je souligne que si le projet de loi C-48 est adopté, le projet Eagle Spirit n’ira pas de l’avant, ce qui est conforme à l’opinion de la majorité des Premières Nations côtières.

Honorables sénateurs, en distinguant les intérêts de l’île et les droits de l’entreprise privée par rapport à la pêche côtière et aux droits constitutionnels, le gouvernement ne privilégie pas un groupe plus qu’un autre. Le gouvernement ou le tribunal, quel qu’il soit, examine les droits constitutionnels en jeu aussi objectivement que possible, puis prend une décision conformément à la loi. Dans ce cas-ci, la décision est favorable au projet de loi C-48.

Chers sénateurs, j’aimerais parler un peu de la politique énergétique et environnementale du gouvernement. Comme je l’ai mentionné en début d’intervention, le gouvernement a un ensemble équilibré et complet de politiques énergétiques et environnementales pour faire croître les économies régionales et nationale du Canada, y compris plusieurs nouveaux pipelines pour le pétrole et le gaz. Plus précisément, le gouvernement a appuyé trois projets de pipelines en Alberta et en Saskatchewan qui achemineront les ressources pétrolières du Canada vers les marchés étrangers. Le monde aura besoin encore longtemps de pétrole, y compris en Asie, où le pétrole peut faciliter le remplacement du charbon. Il est sensé de transporter le pétrole canadien par pipeline si cela est plus sécuritaire et efficace que le transport ferroviaire. C’est pourquoi le gouvernement a appuyé le remplacement de la canalisation 3, le pipeline Keystone XL vers les États-Unis et l’expansion du pipeline Trans Mountain vers Burnaby. Comme les sénateurs le savent, le gouvernement ne ménage aucun effort pour que reprennent les travaux dans le projet Trans Mountain. Fait remarquable, le gouvernement a même fait l’acquisition de l’infrastructure au nom des Canadiens pour 4,5 milliards de dollars, afin de bâtir un oléoduc double de plus grande capacité et d’assurer l’achèvement des travaux, ce qui profitera à notre économie, et en particulier celles de l’Alberta et de la Saskatchewan.

Au moment où je vous parle, le gouvernement s’efforce de satisfaire aux conditions énoncées par la Cour d’appel fédérale, afin que reprennent les travaux de construction du pipeline Trans Mountain. Comme les sénateurs le savent, le gouvernement a l’intention de faire une annonce d’ici le 18 juin.

Nos réflexions sur les événements qui nous ont menés où nous en sommes aujourd’hui me font penser à ce qu’on peut voir de l’autre côté de la rivière. Au Musée canadien de l’histoire, on peut voir des totems érigés près d’un canot de cèdre aussi long que la salle et des éléments d’architecture traditionnels des Autochtones du Nord-Ouest. Fait intéressant, dans un des bâtiments, il y a une plaque sur laquelle on peut lire le mot « aventure » ainsi que le texte suivant :

Les peuples de la côte nord-ouest racontent des histoires d’aventure. Leurs récits, riches en actes de bravoure et en péripéties à couper le souffle, ont presque toujours un dénouement heureux et une morale.

Honorables sénateurs, plus tard, j’espère que les gens de la côte raconteront comment leurs grands-parents sont venus à Ottawa pour faire adopter le projet de loi C-48. J’espère que les Canadiens raconteront comment les gens de leur pays ont uni leurs efforts pour sauver l’environnement en cette période difficile. Dans les deux cas, j’espère de tout cœur que nous connaîtrons un dénouement heureux. Merci. »

Le projet de loi C-48 arrive « à l’heure où s’amorce un tournant difficile pour l’énergie et l’environnement »