Nouvelles
Le projet de loi C-62 rétablit un ancien régime de relations de travail
Le projet de loi est à l’étape de la deuxième lecture au Sénat.
La sénatrice Diane Bellemare a lancé le débat au Sénat mercredi sur un project de loi qui vise à rétablir et à régir les congés de maladie, la négociation collective et d’autres éléments liés aux relations de travail du secteur public fédéral.
Notamment le projet de loi C-62 rétablit les éléments d’un ancien régime de relations de travail dans le secteur public qui portaient sur les services essentiels et le règlement des différends relatifs aux négociations collectives, ainsi que le droit pour les agents négociateurs de négocier les conditions d’emploi en ce qui concerne les congés de maladie et d’invalidité.
Voici le discours de la sénatrice Diane Bellemare, marraine du projet de loi au Sénat.
« J’ai aujourd’hui le privilège de présenter le projet de loi C-62 à l’étape de la deuxième lecture. Ce projet de loi, intitulé Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, peut être hautement technique, mais nul besoin d’entrer dans les détails pour l’instant. Du moins, c’est ce que je crois. Quoi qu’il en soit, honorables sénateurs, vous êtes sûrement nombreux à avoir vu la caricature publiée par le Globe and Mail le 7 septembre dernier. Vous en souvenez-vous? On y montrait un ours se promenant au centre-ville d’Ottawa qu’on avait tranquillisé en lui faisant lire les Débats du Sénat.
Voilà pourquoi, Votre Honneur, je vous demande la permission d’invoquer le souvenir de l’ours qui s’est promené au centre-ville d’Ottawa plus tôt ce mois-ci afin qu’il puisse être tranquillisé une fois de plus, cette fois au moyen de mon discours au sujet du projet de loi C-62. Espérons que ce ne sera pas le cas.
Plus sérieusement, chers collègues, ce projet de loi, intitulé Loi modifiant la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral et d’autres lois, vise essentiellement à rétablir l’équilibre des relations de travail pour les employés de la fonction publique fédérale, tel qu’il existait avant l’adoption de certaines dispositions législatives insérées dans trois projets de loi de mise en œuvre du budget, soit la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013, la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014 et la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015.
Le projet de loi qui nous est soumis aujourd’hui a pour objectif de rétablir l’équilibre dans les relations de travail que les fonctionnaires entretiennent avec leur employeur. Il les ramène à la situation qui existait avant l’adoption de certaines dispositions législatives contenues dans trois projets de loi d’exécution du budget présentés en 2013, 2014 et 2015.
La mesure législative qu’on examine aujourd’hui regroupe deux projets de loi déposés lors de la 42e législature, le projet de loi C-5 et le projet de loi C-34, qui avaient été déposés respectivement le 5 février 2016 et le 28 novembre 2016 par le gouvernement actuel. Le projet de loi C-5 abordait la question des congés de maladie dans la fonction publique, et le projet de loi C-34 portait sur les négociations collectives et les services essentiels.
Pour regrouper ces deux projets de loi en un seul, le projet de loi C-62 combine essentiellement les deux séries de propositions en une seule mesure législative, afin qu’elle puisse franchir les étapes du processus parlementaire le plus efficacement possible. En effet, les projets de loi C-5 et C-34 visent le même principe et la même clientèle, soit le retour à l’équilibre dans les relations de travail de la fonction publique par la modification ou l’abrogation de dispositions législatives issues de projets de loi d’exécution du budget. Ils visent essentiellement la fonction publique.
Lorsque le gouvernement actuel a été élu en 2015, il s’est engagé à rétablir des mesures législatives concernant les conditions et les relations de travail au sein de la fonction publique qui respectent le processus de négociation collective, qui reconnaissent le rôle important que jouent les syndicats au chapitre de la protection des droits des travailleurs et qui favorisent la croissance de la classe moyenne du Canada.
Je tiens à participer préciser que le projet de loi vise uniquement la fonction publique. Autrement dit, les modifications proposées dans le projet de loi C-62 ne touchent que les fonctionnaires. Elles n’ont aucune incidence directe sur le secteur privé.
Examinons maintenant ce que fait le projet de loi, et je reviendrai plus tard sur les détails.
Premièrement, il modifie la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral afin de rétablir la procédure relative au choix du mode de règlement des différends applicable avant le 13 décembre 2013. Cette procédure vise les services essentiels, l’arbitrage, la conciliation et le mode substitutif de règlement des différends.
Deuxièmement, il modifie la Loi sur l’équité dans la rémunération du secteur public afin de rétablir la procédure applicable avant le 13 décembre à l’arbitrage et à la conciliation.
Troisièmement, il abroge des dispositions de la Loi no 2 sur le plan d’action économique de 2013 ainsi que des dispositions de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014 qui ne sont pas en vigueur. Ces dispositions concernent la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Loi sur l’emploi dans la fonction publique.
Enfin, il abroge la section 20 de la partie 3 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015, qui autorise le Conseil du Trésor, malgré la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, à établir et à modifier les conditions d’emploi des fonctionnaires employés dans l’administration publique centrale en ce qui a trait aux congés de maladie.
Permettez-moi de commencer par les changements qui traitent des congés de maladie dans la fonction publique, adoptés dans le cadre de la loi omnibus de 2015, soit la Loi d’exécution du budget.
La section 20 de la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2015, connue à l’époque sous le nom de projet de loi C-59, a conféré au Conseil du Trésor les pouvoirs suivants : établir les conditions d’emploi des fonctionnaires en ce qui concerne les congés de maladie et les modifier; établir un programme d’invalidité de courte durée pour les fonctionnaires sans passer par le processus de négociation collective; modifier certaines dispositions des programmes d’invalidité à long terme à l’administration publique centrale et abolir les droits accumulés à des congés de maladie.
Ces modifications ont été adoptées malgré la loi historique de 1967 qui ouvrait le droit aux fonctionnaires de se syndiquer et de négocier collectivement.
En bref, les modifications qui ont reçu la sanction royale en juin 2015 ont retiré aux syndicats le pouvoir de négocier les congés de maladie pour donner au gouvernement le pouvoir de mettre en œuvre unilatéralement un régime de son propre choix. Les agents négociateurs de la plupart des syndicats de la fonction publique se sont fortement opposés à ces modifications législatives, qui ont été rédigées sans consultation. En fait, en juin 2015, 12 des 15 syndicats représentant les fonctionnaires fédéraux ont conjointement intenté une poursuite pour contester ces dispositions en invoquant qu’elles sont inconstitutionnelles.
Le projet de loi C-62 vise à retirer au gouvernement ses pouvoirs unilatéraux en ce qui concerne les congés de maladie et à démontrer le respect de l’État envers le processus de négociation collective en renvoyant ces questions à la table de négociation.
Le gouvernement actuel est d’avis que les syndicats ont un rôle important à jouer, non seulement en protégeant les droits des travailleurs, mais aussi en renforçant la classe moyenne par la négociation des conditions de travail et de rémunération. C’est pourquoi il s’est engagé à ne pas exercer ces pouvoirs unilatéraux en ce qui concerne les congés de maladie et à abroger les dispositions législatives qui les lui confèrent.
Maintenant, abordons la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral. À l’aide du projet de loi C-62, le gouvernement cherche aussi à abroger des modifications au régime de relations de travail dans la fonction publique qui avaient été adoptées dans le cadre d’une autre loi. Le projet de loi C-62 abrogerait les modifications les plus controversées qui avaient été apportées en 2013 à la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique.
Je parle des modifications qui permettent à l’employeur de désigner unilatéralement les services essentiels; de retirer aux agents négociateurs le droit de choisir le mode de règlement des différends; d’imposer des facteurs — les besoins de recrutement et l’état des finances nationales — dont les arbitres doivent tenir compte avant de formuler une recommandation ou de prendre une décision arbitrale.
Le projet de loi C-62 fera en sorte que l’employeur ne pourra plus décider de manière unilatérale quels services sont essentiels, quelle méthode doit être employée pour régler les différends et quels éléments les arbitres doivent prendre en compte pour faire leurs recommandations ou prendre une décision.
Rappelons-nous que plusieurs syndicats sont allés jusqu’à présenter des contestations en vertu de la Charte à l’encontre des dispositions adoptées en 2013. Il y a lieu de croire que ces contestations auraient été retenues par les tribunaux. En effet, en 2008, le gouvernement de la Saskatchewan a apporté des changements semblables à ceux que l’on trouve dans le projet de loi de 2013. Ces changements ont alors été contestés avec succès, en Cour suprême, par la Saskatchewan Federation of Labour.
J’aimerais maintenant décrire les modifications importantes proposées dans le cadre du projet de loi C-62 qui concernent les services essentiels, les négociations collectives et le règlement des différends.
En premier lieu, l’avis de négociation serait modifié pour revenir à un préavis de quatre mois; les parties peuvent cependant se rencontrer avant dans le but d’entamer des négociations.
En deuxième lieu, concernant le règlement des différends, comme cela était le cas avant les modifications apportées en 2013, les agents négociateurs auront le choix de déterminer le mode de règlement des différends qu’ils aimeraient utiliser, soit la conciliation avec grève ou l’arbitrage, dans le cas où les parties se retrouveraient dans une impasse lors de négociations. Les modifications apportées en 2013 ont enlevé aux syndicats la possibilité de choisir l’arbitrage.
En ce qui concerne les facteurs prépondérants, en troisième lieu, au moment de prendre des décisions arbitrales ou de formuler des recommandations, les commissions d’intérêt public et les conseils d’arbitrage ne seraient plus tenus d’accorder un poids indu à certains facteurs. Dans le cadre du système actuel, adopté en 2013, ils doivent accorder une plus grande importance à deux facteurs : d’une part, le recrutement et le maintien en poste et, d’autre part, la situation fiscale du Canada. En vertu du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui, ce serait deux facteurs parmi d’autres dont un tiers décideur devrait tenir compte. Il reviendrait au décideur de déterminer le poids accordé à chaque facteur.
Cependant, l’employeur conserverait le droit de présenter des arguments en ce qui concerne l’état de l’économie canadienne, et le besoin de recruter et de maintenir en poste des personnes compétentes à la fonction publique pour répondre aux besoins de la population canadienne. Ces critères font partie de ceux qui peuvent être débattus devant une commission d’intérêt public ou un conseil d’arbitrage, et les membres de ces commissions et conseils ont la marge de manœuvre voulue pour accorder l’importance qu’ils jugent appropriée à ces facteurs.
Pour ce qui est des services essentiels, en quatrième lieu, l’employeur n’aurait plus le pouvoir unilatéral de déterminer quels sont les services essentiels à la santé et à la sécurité du public, et de désigner les postes nécessaires à la prestation de ces services. Dans le cadre du système actuel, l’employeur détient le pouvoir exclusif de désigner les services essentiels.
Le projet de loi C-62 changerait la donne en revenant au processus établi auparavant, en permettant aux agents négociateurs de représenter les intérêts des employés en négociant à ce sujet.
Comme c’était le cas avant les modifications législatives apportées en 2013, le projet de loi C-62 exige que l’employeur travaille avec les négociateurs pour déterminer quels postes sont requis pour offrir les services essentiels et en arriver à une entente concernant ces services.
Ces ententes indiqueraient les types et le nombre de postes compris dans l’unité de négociation qui sont nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels et les postes en question. Dans le cadre du système que rétablirait le projet de loi C-62, le rôle du Secrétariat du Conseil du Trésor, à titre d’employeur de l’administration publique centrale, consisterait à fournir des conseils et des lignes directrices aux représentants des organisations; à examiner, à la demande d’une organisation, toute position faisant l’objet d’un différend; à négocier des ententes sur les services essentiels à l’échelle nationale; à demander à la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral d’intervenir dans les affaires non résolues et d’assurer une représentation; et, enfin, à tenir une base de données centrale de tous les postes désignés comme nécessaires pour permettre à l’employeur de fournir les services essentiels.
Enfin, le projet de loi C-62 vise à abroger les modifications qui avaient été apportées en ce qui concerne les processus de recours, même si celles-ci n’ont jamais été mises en œuvre parce qu’elles devaient entrer en vigueur à une date ultérieure.
Voilà, en résumé, ce que l’on retrouve dans le projet de loi C-62.
Maintenant, chers collègues, je lance aujourd’hui le débat visant l’adoption du projet de loi C-62 à l’étape de la deuxième lecture. Je tiens à rappeler à nos nouveaux collègues que ce débat s’attarde généralement sur les principes et le bien-fondé d’un projet de loi. Le débat porte principalement sur les orientations générales du projet de loi. On cherche à répondre à la question suivante : est-ce que le projet de loi est un bon projet de loi? Quels sont les principes qui le sous-tendent? Pourquoi le gouvernement présente-t-il ce projet de loi?
Ce n’est pas à l’occasion de la deuxième lecture que l’on scrute les détails du projet de loi. Ce n’est pas non plus à l’étape de la deuxième lecture que l’on présente des amendements techniques. Il s’agit, pour le moment, de comprendre les enjeux liés à ce projet de loi et de l’adopter, en principe, puis de le transmettre à un comité afin qu’il puisse y faire l’objet d’une étude détaillée.
Nous devons donc nous demander si le projet de loi repose sur un principe valable.
Son objectif est de ramener les négociations de bonne foi entre la fonction publique et le gouvernement en tant qu’employeur.
Le gouvernement entend réinstaurer une culture de respect envers les fonctionnaires fédéraux au sein de la fonction publique et envers le processus de négociation collective.
Je le répète : le projet de loi C-62 vise à ramener le régime de négociation collective et le rôle de l’employeur à ce qu’ils étaient avant 2013, pas à les changer. La situation reviendra à ce qu’elle était depuis 1967.
Dans le contexte des négociations qui ont eu cours récemment avec les syndicats de la fonction publique, le gouvernement a déjà réaffirmé son engagement ferme de négocier de bonne foi. Quand le gouvernement est arrivé au pouvoir en 2015, toutes les conventions collectives avec les fonctionnaires étaient parvenues à échéance. Le gouvernement a alors clairement indiqué qu’il travaillerait en collaboration avec les fonctionnaires et qu’il négocierait de bonne foi. Après deux ans de négociations respectueuses, il est parvenu à conclure des ententes avec plus de 99 p. 100 des fonctionnaires syndiqués dont le Conseil du Trésor est l’employeur.
Notons que plusieurs ententes comprennent un cadre pour l’élaboration d’une approche intégrée en matière de gestion du bien-être des employés. Cette nouvelle approche se concrétisera davantage à l’avenir. Elle vise à améliorer le bien-être des employés, ce qui améliorera également la prestation de services au public. En effet, des employés en bonne santé physique et mentale sont mieux à même de répondre aux attentes des citoyens et d’éviter des erreurs.
Le projet de loi C-62 nous rapproche de la culture que le gouvernement souhaite privilégier avec ses employés. Ce changement de culture résulte certainement d’une meilleure collaboration dans les relations de travail.
En outre, le projet de loi C-62 repose sur le principe de l’équité fondamentale, dans la mesure où cela correspond au rétablissement de certaines conditions précises qui doivent présider aux relations de travail et qui sont inséparables du droit d’association protégé par la Constitution.
En conclusion, j’appuie fermement ce projet de loi, parce qu’il rétablit le régime des relations de travail dans la fonction publique à son état antérieur à l’adoption de ces modifications. Ce système fonctionnait bien et pouvait être un modèle pour le secteur privé. Les modifications apportées au cours de la 41e législature ont changé les règles du jeu en faveur de l’employeur et au détriment des employés et de leurs agents négociateurs, ce qui a troublé l’équilibre qui existait depuis de nombreuses années.
Le projet de loi C-62 nous permet de rétablir, entre l’employeur et les employés, des relations de travail qui reposent sur le concept d’équité, où l’employeur et les syndicats ont chacun une contribution importante à faire pour que les travailleurs soient traités équitablement, pour qu’ils travaillent dans des milieux sains et sécuritaires, pour qu’ils soient suffisamment rémunérés et pour qu’ils puissent, en particulier, fournir des services de qualité à l’ensemble des Canadiens.
La fonction publique mérite qu’on la respecte pour les services importants qu’elle fournit aux Canadiens. Je ne peux pas tous les énumérer, mais nous savons ce qu’elle accomplit.
Pour toutes ces raisons, je vous demande d’adopter promptement le projet de loi C-62 à l’étape de la deuxième lecture et de le transmettre le plus rapidement possible à un comité.
Je vous remercie de votre attention. »